La connaissance des types de textes permet-elle une meilleure compréhension du sens local ?
1) Domaine d’étude et problématique
2) Les Programmes Officiels
3) Les stratégies de lecture et les comportements de lecteurs
4) Les différents types de textes
5) le choix des textes : indice de lisibilité
6) Sens littéral ou sens local : un choix déterminant
7) Quels types de textes expliciter ?
8) Activités pédagogiques
9) Analyse des résultats
10) Conséquences didactiques et ouverture pédagogique
11) Bibliographie
1) Domaine d’étude et problématique
La transmission des connaissances a été le facteur clé de l’évolution humaine.
Contrairement aux autres espèces animales, l’être humain a peu à peu élaboré un système de communication orale qui lui a permis de véhiculer ses savoirs à travers les générations.
Le caractère volatile de la parole l’a poussé à vouloir fixer ses émotions, ses visions, ses aventures, et peu à peu un autre système linguistique est apparu : l’écriture.
Atemporelle, cette évolution sémiologique a nécessité la mise en place d’un principe universel (alphabétique pour l’occident, idéographique pour l’orient, en simplifiant !), puis d’un code propre à chaque langue. L’efficacité de l’écriture résidait dans le fait qu’un message pouvait être relu (à condition de maîtriser les règles du jeu) et compris par quelqu’un d’autre.
Aujourd’hui, lire est devenu une activité essentielle à la vie en société : informations, notices, modes d’emploi, courriers et courriels, mais aussi romans, poésies, contrats, publicités, petites annonces. La liste n’est pas exhaustive, et sa longueur amène tout naturellement à classifier tous ces types de textes, pour savoir à quoi ils servent, et aussi pour mieux les lire.
À l’école élémentaire, on demande à l’enfant d’accomplir en quelques années une évolution cognitive qui a pris plusieurs millions d’années ! C’est en quelque sorte un processus phylogénétique qu’il doit réaliser sur une échelle ontogénétique, sous la pression constante des nécessités de la vie en société. Le moteur de cette accélération développementale est l’enseignement, qui s’efforce de transmettre les connaissances, en grande partie par l’écrit (même si l’oral reprend une place qu’il avait perdue), sous différentes formes : textes fonctionnels, fictionnels, utilitaires, etc.
Plusieurs typologies coexistent, et chaque enseignant retient celle qui lui semble la plus efficace ou la plus pertinente, et quand on demande à un professionnel de la pédagogie ce qu’est pour lui un texte narratif, la réponse est souvent une suite d’exemples : le roman, le conte, une histoire,...
Si la réponse est satisfaisante au niveau des genres littéraires, il n’en reste pas moins qu’elle est partiellement fausse, ou en tout cas inopérante. En effet, en classe, cette réponse par l’exemple (alors que la question de départ portait sur ce qu’est un texte narratif, et non sur l’énumération de textes narratifs) peut souvent porter à contradiction : chacun des exemples peut comporter d’autres types de textes. Il suffit pour s’en convaincre de prendre un roman, texte narratif par excellence, où parfois apparaissent des descriptions. Dans “La bête humaine”, lorsque Zola décrit très précisément la locomotive, allant jusqu’à la personnification, s’agit-il encore de narration ? Et l’élève, en classe, comprendra-t-il que ce passage, pris dans un roman, donc dans un texte narratif, n’est pas... narratif, mais descriptif ?
“Souillée de terre et de bave, elle (la Lison) toujours si luisante, vautrée sur le dos, dans une mare noire de charbon, elle avait la fin tragique d'une bête de luxe qu'un accident foudroie en pleine rue. Un instant, on avait pu voir, par ses entrailles crevées, fonctionner ses organes, les pistons battre comme deux coeurs jumeaux, la vapeur circuler dans les tiroirs comme le sang de ses veines ; mais, pareilles à des bras convulsifs, les bielles n'avaient plus que des tressaillements, les révoltes dernières de la vie ; et son âme s'en allait avec la force qui la faisait vivante, cette haleine immense dont elle ne parvenait pas à se vider toute. La géante éventrée s'apaisa encore, s'endormit peu à peu d'un sommeil très doux, finit par se taire. Elle était morte. Et le tas de fer, d'acier et de cuivre, qu'elle laissait là, ce colosse broyé, avec son tronc fendu, ses membres épars, ses organes meurtris, mis au plein jour, prenait l'affreuse tristesse d'un cadavre humain, énorme, de tout un monde qui avait vécu et d'où la vie venait d'être arrachée, dans la douleur.” (La bête humaine, chapitre 10)
C’est cette problématique qui sera l’objet de cette étude : l’établissement de types de textes implique une lecture particulière pour chacun d’eux. On ne lit pas un texte explicatif comme on lit un texte rhétorique, on n’appréhende pas un mode d’emploi comme une poésie. Chaque type de texte demande une stratégie de lecture différente, et la difficulté, en particulier pour l’élève apprenti lecteur, est de connaître la classification de ces textes, leur fonction, et leur fonctionnement.
Dans cette étude, on s’interrogera sur l’efficacité des classifications et sur la nécessité de connaître, explicitement ou implicitement, les fonctionnements des textes.
Le but de cette étude sera donc de voir si, en ayant une connaissance explicite de la fonction et du fonctionnement de certains types de textes, l’élève fait preuve d’une meilleure compréhension du sens local (le sens à l’intérieur du texte, sans références extra-textuelles).
Le niveau de classe sera le cycle 2, niveau CE1. L’effectif s’élève à seulement sept élèves (classe à double-niveau, avec 10 CP).
2) Les programmes officiels
L’importance de la lecture et de l’acquisition du français est incontestable. Les textes des instruction de 2002 l’indiquent clairement : Du cours préparatoire à l’entrée en sixième, les programmes consacrent au moins deux heures par jour à la lecture et à l’écriture : un minimum de dix heures par semaine, auxquelles s’ajoutent les activités orales.
L’objet de cette étude porte sur le cycle 2, dont les objectifs sont évidemment plus modestes que ceux du cycle 3 :
Le cycle des apprentissages fondamentaux est le moment où se construisent ces savoirs élémentaires que sont parler, lire, écrire et compter, le socle de la réussite scolaire.
Il faut donc garder à l’esprit que le CE1 est un niveau où les élèves sont encore en plein apprentissage de la lecture de bas niveau, et que certains ont encore des difficultés à s’affranchir du déchiffrement :
Apprendre à lire et à écrire est la grande affaire de ce cycle. C'est un cheminement complexe qui s'appuie sur le travail fait à l'école maternelle. En même temps que l'élève comprend le principe qui gouverne le fonctionnement du code alphabétique, il commence à pouvoir découper les énoncés qu'il entend, comme les phrases qu'il voit. Parallèlement, il mémorise la structure orthographique d'un nombre de plus en plus important de mots, qu'il peut alors reconnaître de manière quasi automatique. Il se libère progressivement du travail du déchiffrage et accède de plus en plus aisément et sans aide à la compréhension de ce qu'il lit.
Malgré tout, dès ce cycle 2, l’invitation à la découverte des textes est présente. Les élèves sont encouragés à fréquenter la bibliothèque et ses richesses :
L'effort de familiarisation avec la littérature de jeunesse, commencé oralement à l'école maternelle, est poursuivi, avec les mêmes méthodes et la même détermination. La lecture de textes documentaires vient soutenir les connaissances. Les œuvres littéraires qui ont retenu l'intérêt des élèves et qui ont été comprises et discutées peuvent être l'objet d'un travail d'interprétation : mise en voix, récitation, diction, jeu théâtral… Ce sont autant d'occasions de donner sens et consistance au texte écrit, qu'il s'agisse de poésie ou de prose (...).
L’approche des différents types de texte n’est pas explicitement indiqué au cycle 2, mais seulement au cycle 3 :
Les textes sont de genres divers : poésie, roman, théâtre.
Mais ils sont toutefois présents et rencontrés par les élèves, ne serait-ce que par les manuels de français qui donnent à lire non seulement ces trois genres, mais aussi beaucoup d’autres : publicités, notes de supermarché, recettes de cuisine, etc.
Pour cette raison, et dans la logique de la continuité des cycles, la sensibilisation aux différents types de textes n’est pas en soi répréhensible, bien au contraire. Elle permet de préparer l’élève au cycle suivant, de l’attirer vers la découverte de nouveaux textes, de développer et d’affiner sa sensibilité, de varier les supports, et de susciter de nouvelles motivations de lire :
Savoir lire et aimer lire sont les objectifs majeurs des premières classes de l'école élémentaire. Dès la fin du cycle 2, l'élève doit pouvoir lire avec aisance et comprendre un texte simple. Cet apprentissage de la lecture se poursuit tout au long du cycle 3. Les élèves y rencontrent des textes de plus en plus longs, divers et complexes.
Pour que l’objet de cette étude soit réalisable, il fallait que les élèves soient d’un niveau de lecture suffisamment avancé pour aborder l’étude de textes divers. Cette condition était satisfaite :
Apprendre à lire, c'est apprendre à mettre en jeu en même temps deux activités très différentes : celle qui conduit à identifier des mots écrits, celle qui conduit à en comprendre la signification dans le contexte verbal (textes) et non verbal (supports des textes, situation de communication) qui est le leur.
Parallèlement, j’ai souhaité ne pas mettre mes élèves en difficulté de lecture face à certains textes. Par exemple, les textes narratifs longs, les textes explicatifs et les textes argumentatifs, peu habituels à leur âge, ont été plus longuement discutés à l’oral :
Il y a de très nombreux points communs entre compréhension des textes écrits et compréhension des énoncés oraux qui mettent en jeu des situations de communication proches (monologue, absence des référents…). C'est dire que tout ce qui permet d'approfondir la compréhension du langage oral prépare l'élève à une meilleure compréhension des textes. C'est dire aussi que, tant que l'élève ne dispose pas d'une capacité d'identification des mots suffisante, l'entraînement de la compréhension doit s'effectuer dans deux directions : oralement pour les textes longs et complexes, en particulier sur des textes de littérature adaptés à l'âge des enfants, sur l'écrit pour des textes plus courts et ne se référant pas à des connaissances ou à des expériences ignorées des élèves.
De la même façon, les types de textes qui me semblaient les plus ardus ont été étudiés sur leur aspect fonctionnel, autrement dit sur leurs éléments constitutifs (présence des anaphores, structure linéaire introduction-développement-conclusion, choix de certains déterminants plutôt que d’autres, etc.) :
Au cycle des apprentissages fondamentaux, il importe donc que l'on conduise progressivement tous les élèves à se donner des stratégies efficaces pour comprendre les phrases successives d'un texte et leur articulation. Deux types d'activités peuvent être envisagés : celles qui rendent l'élève plus sensible à la fonction de la syntaxe dans la compréhension de la phrase, celles qui lui permettent de contrôler la qualité de la compréhension construite. En relèvent les situations dans lesquelles on demande aux élèves d'anticiper dans une lecture la fin d'une phrase dont on a déjà lu les premiers mots en respectant la structure syntaxique de l'énoncé (critiquer les solutions erronées est un aspect important de cette prise de conscience) ou encore de proposer des suites sémantiquement probables dans le contexte concerné et évidemment de critiquer les suites improbables.
Bien que les programmes officiels soient très prudents quant aux objectifs de fin de cycle 2, j’ai décidé la mise en place d’un projet de classe pour amener les élèves à utiliser davantage de types de textes, et à en tirer profit. Ainsi, le projet de classe sur l’apiculture fédère les types de texte narratif (histoires “vécues” d’abeilles), explicatif (comment fonctionnent les ruches ou la danse des abeilles), descriptif (comment sont faits les cadres, les alvéoles, etc.), injonctif (pour fabriquer une ruche ou une veste d’apiculteur), rhétorique (poésies sur les abeilles, les fleurs, la nature), argumentatif (lettres à l’apiculteur et au maire du village pour nous aider à mener à bien notre projet). A ce titre, les élèves de la classe, très motivés, par leur projet, sont allés plus loin que ce que réclament les programmes officiels :
L’élève doit être capable de :
- comprendre les informations explicites d'un texte littéraire ou d'un texte documentaire appropriés à l'âge et à la culture des élèves,
- trouver dans un texte documentaire imprimé ou sur un site
Internet les réponses à des questions simples,
- dégager le thème d'un texte littéraire (de qui ou de quoi parle-t-il ?).
3) Stratégies de lecture et comportements de lecteurs
Les comportements des enfants lecteurs sont variés, et il n’est pas raisonnable d’entreprendre une réflexion sur leurs capacités de lecture si l’on n’essaie pas, en préambule, de déterminer ces comportements.
Un consensus s’est établi ces cinq dernières années pour s’accorder sur le fait que les enfants utilisent différentes entrées dans les textes, que cela soit de façon consciente et calculée, ou de façon involontaire et compensatrice.
On peut déterminer certains types de comportements, dont voici un aperçu :
a) lecteur centré sur la reconnaissance lexicale (l’élève lit des mots de façon globale, et isolée, sans mise en réseau des mots constitutifs du texte ; le sens est limité à celui de chaque mot, sans construction phrastique, et le sens local est absent).
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “le contemplatif”.
Une remédiation possible est dans ce cas un entraînement à (re)construire des phrases à partir d’étiquettes de groupes de mots, en favorisant les embrayeurs qui donnent à la phrase sa cohésion syntaxique et sa cohérence sémantique (sur ces deux notions, voir annexe).
b) lecteur centré sur le code pour déchiffrer le minimum (l’élève lira indifféremment “es..cargot” ou “es..calier”, quel que soit le contexte, précipité qu’il est de lire le mot).
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “l’économe”.
Une remédiation possible est de présenter des textes avec des mots tronqués, de façon à obliger l’élève à mettre en corrélation ce qu’il a l’intention de lire et le sens du texte ; on peut aussi envisager des exercices variés pour lesquels il faut anticiper sur la probabilité d’occurrence du mot suivant, en tenant compte des fréquences du langage oral, sinon il y aurait devinette ! Par exemple, donner des débuts d’expressions à compléter : ‘un cheval de... (course, boulanger, cirque)’ dont la rection est d’ordre sémantique, ou encore ‘sauter en... (hautain, hauteur, haute)’ dont la rection est d’ordre morphologique.
c) lecteur centré sur le déchiffrement (avec peu de mots présents dans son lexique mental, l’élève ne possède pas de réelle intention de lecture, et met en chaîne sonore et non en chaîne signifiante ce qu’il a lu) ; le cas extrême est l’hyperlecteur, qui lit à toute vitesse sans jamais comprendre la moindre phrase (j’ai rencontré un seul hyperlecteur, capable de mettre l’intonation correcte grâce aux ponctuations, semant le doute chez les adultes qui l’écoutaient lire).
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “le pointilliste”.
Une remédiation possible est dans ce cas une exposition à des types de textes variés, un essai de motivation par l’utilité de lire, des questionnements de texte fréquents pour s’assurer d’une compréhension minimale.
d) lecteur centré sur le sens (l’enfant réagit comme s’il était face à des devinettes, ne sait guère tenir compte des indices graphiques, invente le sens jusqu’au contre-sens, décolle du texte au lieu de s’y référer, cherche à tout prix une cohérence qui lui convient).
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “l’astrologue”.
Une remédiation possible est dans ce cas un entraînement à la combinatoire, une décomposition des mots en morphèmes (préfixe, radical, suffixe) et non pas seulement en syllabes, de façon à construire du sens à partir des mots du texte, et non à partir d’évocations personnelles.
e) lecteur centré sur le code ou le sens mais sans faire interagir les deux (l’élève n’a pas l’habileté à utiliser le code pour donner du sens, ni celle d’utiliser le sens pour aider au déchiffrement). Seuls les textes pourvus de questions permettent à ce type de lecteur de faire une liaison entre le code et le sens. Dans le cas contraire, il ne voit pas l’intérêt de mettre en oeuvre ce qu’il sait faire pour donner du sens. En d’autres termes, il n’a pas l’habileté nécessaire, mais la capacité.
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “la balance”.
Une remédiation possible est de présenter deux genres d’exercices : celui où l’accès au sens nécessite une identification des mots, avec un sens ambivalent selon le mot déchiffré ; et celui où l’identification des mots nécessite une prise de sens local, avec des mots tronqués ou peu lisibles.
f) lecteur combinant le code avec une partie du contexte sans faire de vérification (l’élève donne des réponses erronées, précipitées, dès qu’il perçoit un brin de sens plausible).
Pour ce type de comportement, je propose d’appeler cet élève “l’optimiste”.
Une remédiation possible est de faire indiquer par l’élève l’endroit précis du texte (en pointant le mot, ou bien en donnant le numéro de la ligne) où il aurait trouvé la réponse.
Cet ensemble de comportements, “cépabo” ("c" contemplatif, "é" économe, "p" pointilliste, "a" astrologue, "b" balance, "o" optimiste : cette appellation mnémotechnique a l’avantage d’être facilement mémorisée par les enseignants), permet d’avoir dans sa classe un regard plus précis et donc des moyens de réactions plus efficaces pour ces différents types de lecteurs.
Pour mon sujet d’étude concernant les différents types de textes, on verra que cette classification s’avère utile pour l’exploitation pédagogique des conclusions auxquelles je suis arrivé.
4) Les différents types de textes
On distingue habituellement les structures suivantes : (d’après Jean-Pierre Gaté, TFL, Echill, Erte, Université Paris 5)
- Le texte narratif prend la forme d’un récit où interviennent des personnages dans un lieu et un temps déterminés, où se déroulent des évènements précis, généralement en fonction d’une situation-problème à laquelle sont confrontés les personnages et qui tend vers une résolution. De façon concrète, le texte narratif se présente comme une histoire racontée (le conte en est un exemple particulièrement significatif).
- Le texte informatif, comme son nom l’indique, livre des informations relatives à un objet, un fait ou un événement particuliers. Il vise à renseigner le lecteur et à enrichir ses connaissances. Le texte documentaire pourrait se rattacher à cette catégorie.
- Le texte incitatif invite à l’action. Les informations qu’il contient permettent soit d’agir dans une situation donnée (règle du jeu, mode d’emploi…) soit de réaliser quelque chose (par exemple un dessin). Selon Van Grunderbeeck (1994), le texte incitatif est particulièrement indiqué chez des enfants en difficulté ou peu motivés à lire.
- Le texte argumentatif vise à défendre une thèse ou une position en l’étayant sur des faits et/ou des arguments logiques et rationnels. Un écrit scientifique, philosophique ou politique repose généralement sur une structure argumentative.
De même que le type de texte dépend de l’intention visée par l’auteur, la structure du texte et son contenu informatif ou thématique sont liés. Il s’agit là du vocabulaire utilisés, du style employé, des concepts ou des connaissances à transmettre. En fonction de son intention, voire de l’effet qu’il veut produire chez le lecteur, l’auteur choisit une structure adaptée au contenu qu’il veut communiquer.On ne saurait trop insister en pédagogie, sur la nécessité de familiariser le lecteur débutant aux différentes caractéristiques des textes qu’il est susceptible de rencontrer, de l’inviter à se poser des questions sur ces aspects (intentions de l’auteur, type de texte, contenu etc…) et de l’initier à des stratégies de lecture adaptées. Encore une fois, développer la polyvalence de la lecture constitue un enjeu fondamental de l’apprentissage.
LES DIFFÉRENTS TYPES DE TEXTES :
contenu et dénomination
roman, conte, nouvelle,
mais aussi fait divers, reportage, bande dessinée, lettre, ...
narratif
ouvrages documentaires, revues, articles, ...
explicatif
portrait, inventaire, guide, ...
descriptif
publicité, réclame, déclaration amoureuse, ...
argumentatif
recette de cuisine, règle de jeu, notice technique, consignes, ...
injonctif
poésie, chant, proverbe, ...
rhétorique
entretien, ...
conversationnel
bulletin météo, horoscope, prédiction, ...
prédictif
NEDIRA
De ces 8 types de textes, je n’en retiendrai que 6, bien suffisants à l’école Primaire :
- narratif (qui raconte une histoire pour s’évader de sa propre réalité) ;
- explicatif (qui explique quelque chose pour en connaître l’usage ou pour s’en servir) ;
- descriptif ( qui présente quelque chose pour en connaître l’état) ;
- injonctif (qui dit comment s’y prendre pour réussir à faire quelque chose) ;
- rhétorique (qui joue avec le langage pour le plaisir intellectuel).
- argumentatif (qui vante quelque chose pour convaincre).
Pour être plus exact, si l’on se réfère à la terminologie de Austin (Quand dire c'est Faire, 1962), on devrait parler d’énoncés "verdictifs" (énoncer un verdict, comme acquitter, considérer comme, décrire, analyser, évaluer, expliquer, estimer, classer, caractériser) et d’énoncés "exercitifs" (ordonner, commander, plaider pour, supplier, recommander, implorer, conseiller, déclarer une séancer ouverte, avertir, proclamer). Pour être plus simple, j’ai préféré (faisant référence à cela, sans trop la trahir, à Catherine Kerbrat- Orecchioni, L'Énonciation : de la subjectivité dans le langage, Armand Colin, 1999), aux notions d’illocutoire et de perlocutoire, qui ont au moins l’avantage d’être ... prononçables !
Critères de ce choix :
- simplifier les définitions pour rendre efficace la reconnaissance des types de textes, en utilisant non pas des exemples mais des verbes ;
- répartir ces types de textes selon qu’ils relèvent de l’illocutoire ou du perlocutoire :
on a ainsi une première partie illocutoire (Narratif, Explicatif, Descriptif) où les textes n’ont généralement pas d’influence directe sur le comportement du lecteur, et une seconde partie perlocutoire (Injonctif, Rhétorique, Argumentatif) où les textes provoquent une modification du comportement du lecteur (par des ordres ou conseils, par la séduction, ou par la raison). On a donc la typologie suivante : NED / IRA (Passif / Actif).
Ces textes ont été abordés selon une progression de découverte d’environ trois mois :
a) présentation en classe de divers types de documents (livres, revues, calendriers, journaux, etc.) ;
b) par groupes, les élèves trient selon leurs propres critères (aussi variés et imprévisibles qu’ils soient), puis confrontent l’efficacité de leurs critères ; à ce stade, les remarques étaient essentiellement de surface (textes simples, textes avec illustration, textes en colonnes, textes avec des tirets, etc.).
c) en commun, analyse synthétique des critères, avec l’aide du maître, sur des supports préétablis (voir ci-dessous) ;
d) évaluation sur fiches individuelles, avec photocopies de documents sous lesquelles ils ont écrit le type de texte.
5) Le choix des textes : indice de lisibilité
La lisibilité est une notion qui s’exprime conventionnellement en degrés. Un texte écrit possède des particularités de surface : des phrases longues, moyennes, ou brèves, des mots longs, moyens, ou courts. Ces particularités d’ordre visuel déterminent la complexité du texte.
Des phrases très longues dotées de mots longs (comme chez Proust) offrent un degré de lisibilité plus faible que des phrases brèves dotées de mots courts (comme les bandes dessinées, ou les histoires pour enfants).
Cette notion de lisibilité est associée directement à la mémoire de travail, qui possède ses propres contraintes. Par exemple, on considère en moyenne qu’une personne retiendra un maximum de sept mots en mémoire immédiate : une phrase écrite de quatorze mots risquera de n’être retenue qu’à moitié, ce qui la rendra peu lisible.
Inversement, une phrase de quatre ou cinq mots sera lisible à cent pour cent (à condition que les mots eux-mêmes soient d’une longueur moyenne ou petite).
Il ne faut pas confondre la lisibilité et l’intelligibilité. La lisibilité concerne la forme (ce qui est vu) alors que l’intelligibilité relève du fond (le contenu, le sens).
Sur le plan pédagogique, l’enseignant a tout intérêt à vérifier si les textes proposés aux élèves sont lisibles. Il existe pour cela des méthodes de calcul qui prennent en compte le nombre de mots par phrase et le nombre de lettres par mot (voir par exemple les formules de Flesch, l’Indice Gunning-Fog, ou encore l’Indice de Lisibilité (Alternative) beta). Mais à n’en pas douter le bon sens de l’enseignant permettra plus rapidement, à vue d’œil, d’apprécier la lisibilité d’un texte.
Pour cette étude, j’ai utilisé l’indice de Flesch pour retenir des textes dont le degré de lisibilité était à peu près équivalent, de façon à ne pas fausser l’analyse. Les élèves avaient donc à lire et à comprendre des textes de différents types, mais de lisibilité proche (aux alentours de 50, sur l’échelle de Flesch qui s’étale ainsi :
(Une valeur élevée correspond à un texte dont la lecture est considérée comme facile.
Une valeur faible correspond à un texte dont la lecture est considérée comme difficile)
Cette méthode repose sur l’utilisation de la formule suivante :
206.835-(1.015 x moyenne de mots par phrase)-(84.6 x moyenne de syllabes par mots)
degré et niveau de difficulté :
90-100 très facile
80-90 facile
70-80 assez facile
60-70 standard
50-60 assez difficile
30-50 difficile
0-30 très difficile
Voici pour exemples l’indice de lisibilité de quelques uns des textes que j’ai soumis aux élèves de CE1 (il est intéressant de noter que les manuels offrent généralement des textes d’une difficulté ‘assez difficile’ à ‘difficile’, ce qui est contradictoire avec la nécessité de ne pas mettre l’élève dans une situation d’échec).
Biotherm (publicité sur un soin pour hommes) : Degré de Flesch: 56.79
Lisibilité ( Indice Gunning-Fog) : (6-facile 20-difficile) 5
Lisibilité (Alternative) beta : (100-facile 20-difficile, optimal 60-70) 61.2
Contrex (publicité pour une eau minérale ) : degré de Flesch : 58.02
Côtelettes de veau ( recette de cuisine) : Degré de Flesch: 44.44
Au printemps (poème) : Degré de Flesch: 56.20
Programme de télévision : degré de Flesch: 72.08
Concernant l’intelligibilité de ces textes, il n’y a pas actuellement sur le marché d’outils fiables permettant de faire ce genre d’analyse. Je l’ai donc exclue (même si le logiciel “Lisibilité” de Jean Mesnager possède déjà une réponse en intégrant une liste des mots hors lexique de base).
6) Sens littéral ou sens local ?
La lecture est une notion très mobile : elle évolue dans le temps, et tenter de lui accoler une définition statique (“la lecture, c’est ...”) revient à fixer un panneau Stop sur l’avant d’un véhicule ! Les querelles d’écoles entre chercheurs, et entre praticiens, n’ont jamais abouti à une définition satisfaisante. Du “lire, c’est comprendre”, au “lire, c’est déchiffrer”, combien d’approches différentes, contradictoires, incomplètes, mais toujours pertinentes, ont été publiées et âprement défendues ?
Voici un rappel de ces différentes définitions, dû à Jean-Paul Martinez (à paraître)
Selon MIALARET :
Lire c’est transformer un message écrit en message sonore...puis... de le comprendre.
Selon ESTIENNE :
Lire c’est d’abord avoir saisi que les signes visuels= graphies des lettres = son et MVT élémentaire du langage parlé.
Conception strictement centrée sur le langage oral, dans ses aspects les plus élémentaires.
Au MOYEN-ÂGE :
Insistance sur l’aspect quasi unique de la lecture orale. Peu de lecture visuelle ou dite silencieuse, les conceptions ultérieures reposent sur cette définition.
Lire, c’est prononcer ce que l’on voit en parlant et avec ses oreilles. On écoute les paroles que l’on prononce. Le mâchonnement répété des paroles divines.
Selon BOUQUET :
Lire c’est parcourir des yeux comme un projecteur s’arrêtant à faire sur les mots (lecteur accompli) mais cela est possible si le lecteur débutant connaît la correspondance phonème- graphème. Selon un DICTIONNAIRE :
Parcourir des yeux. Prononcer à haute voix. Identifier les lettres et les assembler.
Selon BOURCIER :
Lire c'est comprendre
(lecteur accompli)
mais préalablement apprentissage du lecteur débutant de la correspondance phonème graphème.
Selon BOREL :
Lire c'est rendre sonore un message porteur de sens.
D’autres chercheurs y vont aussi de leur définition, comme Sprenger Charolles (1989) Fayol (1990), Zagar (1990), LeCoq (1990), etc.
Plutôt que de tenter de définir cette notion, pourquoi ne pas tout simplement la délimiter ?
Il suffit de la considérer en deux temps : la lecture de bas niveau (le déchiffrement) et la lecture de haut niveau (le sens). Ainsi, quelle que soit la sensibilité pédagogique, on ne peut qu’admettre qu’il y a deux niveaux, et que ces niveaux sont complémentaires et se chevauchent partiellement. Au cycle 2 correspond la lecture de bas niveau (avec accès au sens local par appel à un lexique mental lors de la subvocalisation), et au cycle 3 correspond la lecture de haut niveau (avec un regard extérieur sur le texte).
Le sens local dépend donc d’une lecture de bas niveau, propre aux élèves de cycle 2, alors que le sens littéral relève d’une lecture de haut niveau, propre aux élèves de cycle 3. Dans cette étude, c’est le sens local qui a toujours été privilégié. Seules les inférences (connaissances et informations tirées du texte lui-même) ont été sollicitées. Les références extra–textuelles, non maîtrisables car dépendant du bagage culturel de chaque élève, ont été exclues dans les questions relatives aux textes. De cette façon, les réponses dépendaient essentiellement des informations internes au texte, autrement dit le sens local.
Cela permettait de pouvoir répondre à la problématique de départ : l’explicitation des différents types de textes permet-elle une meilleure compréhension implicite du sens local ? En effet, connaissant mieux le fonctionnement interne d’un type de texte, il paraissait envisageable que les performances seraient supérieures sur un questionnaire portant sur le texte étudié. Nous verrons ce qu’il en était.
7) Quels types de textes expliciter ?
Une difficulté à laquelle je me suis heurté était le choix des textes à expliciter. Lesquels prendre ? S’il apparaissait évident que, sur six types de textes, la moitié devait être explicitée (c’est-à-dire étudiée en classe pour que les élèves en connaissent les caractéristiques structurelles et fonctionnelles) pour avoir une comparaison avec les types de textes non explicités, il n’allait pas de soi de choisir quels étaient ceux qui seraient retenus.
Dans un premier temps, j’avais opté pour les types Narratif Descriptif Rhétorique, mais ce dernier type était trop abstrait pour des élèves de CE1 (son explicitation relevait de la lecture de haut niveau). J’ai retenu finalement les types Narratif Descriptif Argumentatif, car ils représentaient de toute façon les types de texte les plus fréquents, donc incontournables, et ne pas les expliciter auraient fragilisé la comparaison (on aurait eu dans ce cas des types très souvent pratiqués mais non explicités, et des types peu pratiqués et explicités). Ce choix permettait par contre-coup d’avoir un équilibre relatif : deux types de textes passifs, et un type de texte actif par excellence (puisque son but est de convaincre et de modifier le comportement du lecteur).
8) Activités pédagogiques
L’explicitation de ces types de textes a été menée à travers une fiche signalétique que les élèves ont complétée lors de séances collectives. Voir en annexe les trois fiches. Les autres textes (Explicatif, Injonctif, rhétorique) ont été présentés directement, de façon individuelle, avec les questions auxquelles chaque élève devait répondre par écrit. Le temps imparti était calculé en fonction du temps pour lire trois fois le texte, lire deux fois les questions, trouver les réponses, et les écrire. Dans la mesure du possible, ces activités étaient menées le matin, à la place d’une activité hebdomadaire de français (à la place du vocabulaire, ou de la grammaire, ou de la conjugaison, ou de l’orthographe), de manière à ne pas s’ajouter aux pratiques de classe et à l’emploi du temps. Ainsi, chacun des textes étudiés l’a-t-il été de manière habituelle : découverte du texte, lecture individuelle, lecture à haute voix, et réponses individuelles par écrit.9) Analyse des résultats
Chaque évaluation a été notée sur 10, pour chaque type de texte. Chaque note a été enregistrée sous un classeur (Excel), pour l’ensemble des 7 élèves. Chaque ensemble de deux notes a été présenté par une note moyenne (par élève et par type de texte) . Au total, 84 notes ont été attribuées.
Il est important de remarquer que toutes ces notes confirment les conclusions ci-dessous. Le faible effectif de 7 élèves, s’il est bien réel, est toutefois à prendre au sérieux puisque dans les faits il n’y a eu aucune note déviante pour infirmer les observations.
Les notes fournies sont chacune la moyenne de deux notes.
En abscisse, les types de texte (NDA RIE, Narratif Descriptif Argumentatif Rhétorique Injonctif Explicatif),
et en ordonnée, les élèves, selon le classement suivant : du haut vers le bas, de l’élève le plus faible à l’élève le plus fort, toutes disciplines confondues.
En utilisant la typologie des lecteurs “CÉPABO”, il est intéressant de noter que les élèves les plus faibles ont les profils suivants : Guillaume est contemplatif, Jérémy est économe, Marine est économe et balance, Élodie est balance. En revanche, les élèves plus forts ne relèvent d’aucun de ces profils, puisqu’ils font appel à différentes stratégies adroitement menées pour répondre aux questions.
L’analyse de ce tableau, à l’évidence, ne montre rien ! En tout cas, je n’ai pas réussi à en faire la moindre interprétation, sinon que les meilleurs élèves ont grosso-modo des résultats... meilleurs !
J’ai donc décidé de contourner le problème en faisant une représentation différente des mêmes données. La voici :
Toujours classés en ordonnées selon leur niveau scolaire général, les élèves ont ici les notes classées selon les types de textes explicités ou bruts (c’est-à-dire non explicités). On voit dans ce cas, très nettement, deux courbes qui se croisent légèrement après l’élève moyenne, celle qui possède encore un profil de lecteur insuffisant. C’est un indice révélateur qu’il se passe quelque chose à partir du moment où on à affaire aux bons élèves.
D’autre part, et c’est le plus spectaculaire, et va à l’encontre de mon hypothèse de départ, ce sont les textes explicités qui ont les résultats les plus faibles.
Autre remarque essentielle : moins les élèves sont performants, et moins l’explicitation est utile pour eux ! Elle n’est valable que pour les élèves performants, et seulement faiblement.
Devant ce constat, j’ai poussé plus loin l’observation, en présentant une nouvelle fois les données selon une autre classification :
Ici, j’ai classé les types de textes selon leur classification : illocutoire (ou passif), et perlocutoire (ou actif).
Là encore, un fait inattendu saute aux yeux : les textes de type illocutoire (narratif, explicatif, descriptif) sont les plus difficiles à comprendre pour les élèves en difficulté, alors que c’est le contraire pour les meilleurs élèves ! De même, les textes de type perlocutoire (injonctif, rhétorique, argumentatif) sont les plus faciles à comprendre pour les élèves les moins bons (Guillaume, Jérémy, Marine), et paradoxalement, sont moins faciles d’accès pour les meilleurs élèves.
10) Conséquences didactiques et ouverture pédagogique
Il est évident que le faible effectif (7 élèves de CE1) ne permet pas d’avoir une certitude dans cette étude. Cela dit, mes expériences dans l’élaboration et la passation de tests où j’expérimentais toujours à petite échelle (environ une dizaine d’élèves) le bon fonctionnement d’un test avant de le lancer sur plusieurs centaines d’élèves, m’ont appris que lorsqu’un résultat à petite échelle apparaît flagrant, il y a fort à parier qu’une étude à grande échelle ira dans le même sens. Ce n’est pas une règle absolue, bien entendu, mais une sorte de constante statistique.
Cette étude est seulement une orientation de recherche. On ne peut donc s’autoriser, à la place de conclusions solides, que ces quelques interrogations.
Cette étude nous amène en effet à nous interroger sur plusieurs points :
- quel est l’intérêt d’expliciter les types de textes à des élèves de CE1, s’il apparaît que les bénéfices sont inexistants, voire négatifs ? On a vu que les types de textes explicités avaient des résultats négatifs pour les élèves en difficulté, c’est-à-dire pour ceux-là même qui ont le plus besoin d’aide à la compréhension. Ne vaut-il pas mieux réserver au cycle 3 l’étude de texte à proprement parler, et se limiter au cycle 2 à des questionnements de texte ?
- quel est l’intérêt d’expliciter des types de textes, si les résultats, on l’a vu aussi, amplifiait les inégalités entre les élèves faibles et les élèves performants ? N’est-ce pas aller dans le sens contraire à la déontologie des pédagogues, dont le but est de hisser tous les élèves à leur meilleur niveau ?
- quel est l’intérêt d’utiliser les textes illocutoires pour les élèves en difficultés, alors que ce sont ces textes qui se révèlent, on l’a vu aussi, les plus difficiles pour eux ? Ne devrait-on pas réserver dans un premier temps ces types de textes (narratif, explicatif, descriptif) pour les meilleurs lecteurs, et offrir aux moins bons les types de textes perlocutoires (injonctif, rhétorique, argumentatif), le temps pour eux de progresser au contact de l’écrit, avant d’aborder les autres types de textes ?
A posteriori, les résultats de cette étude ne sont finalement pas si étonnants. N’est-ce pas après tout normal que des textes qui font appel au sens local soient plus facilement compris par les élèves en difficulté ? Quand un élève lit une recette de cuisine (type injonctif), ou une poésie de niveau cycle 2 (type rhétorique), ou une lettre de demande d’autorisation (type argumentatif), n’est-il pas de plein pied dans le sens local, un sens où le texte comporte les éléments suffisant pour être compris sans référence extra-textuelles, autrement dit dans la lecture de bas niveau ? N’est-il pas en même temps davantage concerné, touché, motivé ?
Quand un élève lit un roman (type narratif), ou un mode d’emploi (type explicatif), ou une description d’objet (type descriptif), ne lui faut-il pas un minimum de connaissances extra-textuelles, de références hors texte, de lecture de haut niveau ? Est-il autant physiquement impliqué qu’avec les autres types de textes ?
On touche là à une dimension omniprésente dans les apprentissages, mais qui souvent reste implicite : l’intérêt, l’implication, la motivation cognitive de l’élève.
Si cette étude a échoué dans le sens où elle n’a pas montré l’hypothèse de base, qui pourtant semblait aller de soi, à savoir une amélioration des performances quand un type de texte est explicité au niveau de sa fonction et de son fonctionnement, il n’en reste pas moins qu’elle a permis de mettre en lumière des faits imprévus, dont l’avantage est de pouvoir apporter un éclairage didactique et une réponse pédagogique à l’étude des textes. Une progression dans les types mêmes des textes s’avérerait profitable à l’intérêt des élèves, au cycle 2 comme au cycle 3.
jmm, 2005
ANNEXE
cohérence et cohésion (Jean-Paul Bronckart, TFL, Université Paris V) :
Alors que la notion de cohérence désigne une propriété globale de la signification d’un texte (l’unité de son contenu et l’intelligibilité des positions énonciatives qui s’y expriment), la notion de cohésion désigne certains des mécanismes linguistiques qui sont utilisés pour produire cet effet de cohérence.
Dans un sens restreint, la notion de cohésion s’applique à deux mécanismes. Le premier est celui des processus anaphoriques, qui servent à introduire, par une forme généralement nominale, une nouvelle unité de signification (unité-source), puis à reprendre ou reformuler cette unité (qualifiée alors d’antécédent) par l’emploi d’anaphores pronominales ou nominales. Dans la mesure où les unités mobilisées dans ces processus anaphoriques sont des noms ou des pro-noms (unités qui « remplacent » un nom), ce mécanisme peut être qualifié de cohésion nominale. Le second est celui de l’organisation temporelle du texte, qui vise à situer les procès exprimés dans ce texte (événements, actions ou états), soit par rapport au moment de production du texte par son auteur, soit par rapport au moment du déroulement d’un autre procès déjà exprimé. Dans la mesure où les unités mobilisées dans l’organisation temporelle sont, majoritairement, les verbes et leurs déterminants (temps du verbe, auxiliaires), ce mécanisme peut être qualifié de cohésion verbale.
Dans un sens large, la notion de cohésion peut s’appliquer à l’ensemble des mécanismes qui contribuent à donner au texte sa cohérence, thématique et pragmatique. Outre les processus anaphorique et l’organisation temporelle, elle peut donc aussi s’appliquer aux mécanismes de connexion, de distribution des voix, de modalisation, etc.